par Fanny Laudicina
Parle-t-on seulement d’une posture physique ? S’agit-il aussi d’une sensation et d’un rapport à l’autre ? Comment trouver la sécurité intérieure ? Avoir et donner confiance ?
Cette chronique traite de l’importance d’identifier sa position de stabilité pour déployer sa présence et sa parole.
Bien que vous n’ayez pas nécessairement le pied marin, vous avez sans doute une vague idée de ce qui se passe si un bateau est amarré trop court, ou trop long. Dans la première situation, la tension du cordage risquera, en cas de houle, d’endommager la coque : l’attache est raide. Dans la deuxième situation, le bateau dérivera au gré du courant : l’attache est lâche. Vous venez de comprendre ce qu’est un bon ancrage. A la manière d’un fameux trois mâts fin comme un oiseau – ou d’une barque de pêche si vous êtes du genre modeste – vous avez à vous ancrer convenablement lorsque vous vous produisez en public. C’est-à-dire, si vous suivez toujours cette métaphore maritime, que vous devez vous inscrire dans le lieu en évitant ces deux écueils que sont la raideur et le relâchement, dans la conscience de 3 éléments : l’espace/votre auditoire/vos points d’appui.
Avons-nous tous en mémoire M. Napoléon (en vérité, M. Léon, mais comme il était notre prof d’histoire…) ? M. Napoléon, qui, à la manière d’un petit requin longeant la barrière de corail, passait les cours à pontifier en marchant de long en large sur l’estrade. Que voyions-nous alors défiler ? Les images édifiantes du Serment du Jeu de Paume ? Que nenni. Nous voyions défiler M. Napoléon et ses semelles crêpes. Qui nous donnait le mal de mer justement, et nous n’écoutions rien à son cours. Cet homme avait l’amarre trop longue.
Maintenant pensons à ceux qui ont l’amarre trop courte. Ceux qui semblent se tenir au garde-à-vous, ceux dont on dit qu’ils ont le balai ailleurs que dans le placard. Des exemples se présentent à votre esprit ? Bien. Epargnons-les.
Tout ceux qui font du sport le savent : il faut avoir de bons appuis pour courir, aller sur la balle, tenir en selle, avoir le bon swing… Etre bien ancré vous permet de vous sentir en équilibre, et solide sans rigidité.
Une position de stabilité est un repère. Et un repaire. Un repère parce qu’elle vous permet de vous récupérer en cas de besoin. Cette « position zéro », à partir de laquelle vous pouvez vous mouvoir librement mais sûrement, est celle qui vous dote d’un cadre. Si vous étiez maître kung fu, vous diriez que cette position vous donne la possibilité de porter les coups comme de les parer. En communication vertueuse on préférera parler de donner et recevoir/s’exprimer et écouter. Il s’agit donc d’une position de référence, ce qui en fait également un repaire : un lieu en soi où se re-trouver en cas de déséquilibre intérieur. Lorsqu’une objection nous arrive, par exemple…
Car s’il est naturel de chercher à convoquer la confiance en soi, il n’est pas certain qu’elle se présente toujours au rendez-vous. Pourquoi ne pas envisager plutôt que la confiance s’établit sur des bases concrètes ? Il est difficile de se sentir solide, axé, puissant, avec les jambes tressées au pied de la chaise, le bassin à la diagonale et les bras arrimés au buste. Prendre racine en souplesse dans le sol pour laisser la tête côtoyer les hauteurs, voilà qui permet d’accueillir une sensation écologique de confiance. Vous pouvez agir techniquement sur votre équilibre. Et, comme en sport, une bonne technique vient renforcer un bon état d’esprit. Dans les situations délicates ou lorsque vous devez convaincre votre public, un ancrage conscient est la condition de votre image professionnelle comme de votre stabilité physique et mentale.
LE KIT POUR CONVOQUER LA CONFIANCE
Votre bic veut vous coller un procès tellement vous lui mangez la tête en réunion ? Ce stylo a tort, mais pas votre instinct. Car en se concentrant sur cet objet, votre corps intelligent vous signale qu’il a besoin d’un point d’ancrage pour canaliser ce qui fait roulis et tangage en vous. Il vous donne de bonnes indications, écoutez-le. Cette énergie est positive en soi ; il s’agit simplement de la faire passer ailleurs.
Poser les mains sur la table, en ancrant les avant-bras sur une surface stable, devrait vous permettre de trouver ce contact sécurisant que vous recherchiez avec le stylo. Accompagnez ce geste d’un réancrage des pieds, voûte plantaire en contact avec le sol, jambes dans le prolongement de vos hanches. Désormais centré, les mains en ouverture, vous pouvez mettre votre émotion au service de votre discours, et non être agi par elle.
En position assise, vos points d’attache avec le sol, avec la chaise, doivent vous permettre de tenir la balance entre tonicité et souplesse. La voûte plantaire, l’arrière des cuisses, les fesses, les lombaires, sont vos points d’appuis. Ils vous apportent un soutien et vous permettent de verticaliser votre colonne vertébrale.
Vous êtes ainsi bien positionné. L’image que vous renvoyez est favorable, et votre ressenti peut s’épanouir du côté tranquille de la force.
Debout, le bon ancrage consiste également à sentir sa voûte plantaire en relation avec le sol. Les genoux doivent être légèrement déverrouillés pour ne pas heurter les articulations. Les épaules relâchées et les bras détendus, vous pouvez ainsi laisser vos mains accompagner vos propos.
Vous êtes si stable et si ouvert que vous pouvez respirer à pleins poumons le souffle d’air marin qui parcourt subtilement les lignes de cette chronique. La preuve, regardez-vous, vous avez l’air plus iodé ! Mais si vous décidez de tenir vos conf-calls depuis le bassin de la piscine Molitor, nous déclinons toute responsabilité.