Oser se confronter, c’est ce qui permet de sortir du non-dit.
Le « savoir se confronter » se travaille, s’entraine, se muscle, a ses gammes.
Et ce savoir-faire est essentiel : oser se confronter permet de mieux communiquer, de mieux coopérer, d’éviter les conflits, de libérer la créativité, et bien plus encore.
Il est sept heures !
Quand je dis « il est sept heures », je peux donner simplement l’information. N’y voir, n’y entendre alors, rien d’autre que le dénoté informatif.
Mais ce : « il est sept heures » peut prendre bien des couleurs selon l’intonation, l’attitude, consciente ou inconsciente, l’humeur, l’intention cachée, bref tout ce qu’il peut avoir de connoté, de sous-jacent.
Il peut signifier, en ces temps confinés, que sonne l’alarme et l’heure du couvre-feu.
Il peut vouloir dire en toute convivialité que l’apéritif se précise et d’un sourire complice sans rajouter mot, dans l’ellipse et la connivence, entendre son hôte faire tinter les glaçons dans les verres.
Tchin ! Message reçu.
Du non-dit diplomatique, au non-dit codé et complice, ce non-dit allusif peut avoir ses charmes, sa séduction, laissant à l’autre la liberté de l’interprétation et du jeu sémantique.
Le non-dit c’est aussi la convenance. Le filtre social. Dire ce que l’on pense peut-être, mais surtout penser ce que l’on va dire sûrement. Le surmoi nous permet de discriminer ce qui peut se faire, se dire, ne se faire que dans le dire. Il nous fait respecter les règles de la bienséance.
Sauf que le non-dit peut-être aussi une souffrance. Il reste en travers de la gorge. Il se réprime. Se censure. Se contraint. Il se ressasse et s’obsède dans la peur, la honte de s’exprimer. Il affleure, il navigue, il se dit sans se dire, se dit et se dédit à la fois, se dit et s’interdit. Ce que l’on pense parle si fort alors, que l’on n’entend plus ce que l’on dit. Et soudain de se marcher sur la langue…
On pense 800 mots à la minute, on en exprime 150. Et donc surgit le risque de l’irruption du non-dit, quand la pensée (ou l’impensé) déchire la parole et que survient le fracas du hiatus :
Le lapsus. Quand le non-dit explose et s’impose. Contre soi.
C’est pourquoi, vaut-il mieux savoir libérer sa parole, savoir purger sa pensée, savoir exprimer ce que l’on refoule. Savoir dire et tempérer, savoir dire ou différer, savoir dire au moment où le dire peut s’entendre, savoir dire quand ce dire peut enfin s’énoncer.
Et d’abord ses sentiments.
S’il y a bien quelque chose qu’on ne peut vous dénier, c’est l’expression de vos émotions et de vos ressentis. Avoir mal, avoir peur, se sentir blessé, humilié, trahis ou vivre douloureusement un sentiment d’injustice ne se discute pas.
Rien d’autre à dire à quelqu’un en colère « qu’énerve toi ! »
Le contraire donc de l’inaudible et insupportable « calme toi », qui ne fait qu’alimenter la fureur. Tant on n’a rien trouvé de mieux pour faire taire quelqu’un que de le laisser parler.
Soyez spontané donc !
Mais, comme si la spontanéité pouvait se décréter, dans cette injonction paradoxale à s’obliger à être soi.
Se confronter donc, ça se travaille. Le « savoir se confronter » s’entraine, se muscle, a ses gammes.
Souvent en coaching on me demande d’apprendre à dire non. Non à la surcharge de travail, non à un projet indéfendable, non à une demande abusive. Savoir dire non c’est savoir poser ses limites, définir son champ d’intervention, s’affirmer dans son rôle et sa fonction.
C’est défendre son espace vital, user de son libre arbitre. Se protéger aussi.
Savoir dire non n’est pas si simple. Il est un risque. Parfois une audace, souvent une transgression. Et alors d’entendre un non qui s’excuse, un non battu d’avance, un non penaud, coupable, un non qui dit déjà oui.
Savoir dire non est avant tout une attitude. Il ne demande ni hurlement, ni agressivité, ni coups sur la table. Il peut se vivre bienveillant, tranquille, souriant. Il doit être un bloc, un roc, de détermination. Il doit se vivre ferme et définitif, n’offrir le moindre interstice. Être en béton armé, pacifique.
Oser se confronter pour mieux coopérer c’est donc oser dire, oser communiquer, oser se frotter, oser se poser pour mieux s’imposer, oser être soi.
Savoir jouer des curseurs et de toutes les nuances entre deux pôles : oser et doser
Car après tout, oser la confrontation c’est bien souvent faire l’économie d’un conflit, et après tout oser le conflit c’est bien souvent faire l’économie d’une guerre, et après tout oser la guerre c’est parfois faire l’économie d’une déflagration.
Oser la confrontation, c’est conjuguer bienveillance et exigence, sans complaisance, éviter les échanges improductifs, accepter de confronter ses idées pour que de la rencontre émerge de nouvelles idées plus efficaces, originales, innovantes que celle d’un seul individu.
Thierry Grosjean