CoCoach minute, la chronique com’ de Fanny #3
LE REGARD, c’est clé pour la relation
par Fanny Laudicina
Le regard est l’instrument clé de toute relation. Regarder pour voir, regarder pour transmettre, regarder pour recevoir, regarder pour entendre… Le contact visuel est un pilier de la communication non verbale. Mais faisons-nous toujours la mise au point sur l’autre ?
Sous nos latitudes, certes, tout le monde semble conscient que le regard est un élément clé de la communication. Pourtant, la chose est moins aisée à faire pour certains qu’il n’y paraît à d’autres. Si vous êtes, ou avez été timide, vous avez sûrement entendu bon nombre de conseils censés vous aider à soutenir le regard de vos interlocuteurs. Des plus avisés aux plus farfelus, dont votre coach se contentera ici de présenter quelques exemples éculés : « Tu n’as qu’à imaginer la personne dans le plus simple appareil »… ; « Eh bien essaie de l’imaginer, disons, en fâcheuse posture ! » ; « Ne la regarde pas dans les yeux, regarde son front »…
On nous permettra de douter de l’efficacité de ce genre de tips… Qui, dans une situation de stress professionnel, a déjà eu la présence d’esprit (ou l’esprit assez punk, créatif, dérangé etc.) pour imaginer son N+2 en caleçon ? Laissons-là ce délicat sujet…
Disons-le bien simplement, si votre regard ne lui parvient pas, votre interlocuteur n’entend rien de ce que vous dites ! Ou bien l’entendant, dans un espace parallèle à la relation, il ne se sent pas du tout concerné. Les comédiens parlent d’adresse, s’agissant de la parole qui doit aller concrètement toucher quelqu’un pour que le verbe s’incarne.
En effet, sur la scène du théâtre comme sur la scène sociale, il ne s’agit pas seulement de parler, mais de parler à quelqu’un. Cette nuance fait à elle-seule toute la différence. En réunion, nous sentons très bien ceux qui parlent pour eux, disons « depuis leur fenêtre », se contentant d’énoncer ce qu’ils ont prévu de dire. A l’inverse certains savent faire œuvre de pédagogie, ou, pour oser une analogie, savent parler en guide : ils s’expriment comme on ferait visiter un paysage à quelqu’un, en tenant compte de son rythme, de sa compréhension, de son plaisir de visiteur. Sans cette intention, cette attention tournée vers l’autre, les auditeurs ne peuvent se sentir parties prenantes.
Un discours sans adresse fait toujours flop. Exemple : supposons Roméo mettant à la boîte « Vérone intra muros » la lettre d’amour qui changera le cours de sa destinée. Il a bien mentionné un prénom (as-tu deviné lequel, cher lecteur ?) mais dans son impatience, il a omis de noter l’adresse sur l’enveloppe. Le facteur, qui s’est déjà fait avoir une fois avec la lettre à Elise, qu’il a cherchée en vain dans tout Vienne, jette illico la missive à la poubelle : sans adresse, le message n’est pas délivré (et Roméo non plus, de son sort funeste, mais c’est une autre histoire…).
Il en va exactement de même de ce que vous avez à dire. Raison pour laquelle, en live, il convient d’accompagner vos discours d’un regard constant, quoique mobile. Il ne s’agit pas non plus d’hypnotiser votre interlocuteur ! Votre regard se décroche naturellement par moment du sien sans qu’il y ait interruption de la relation. A la condition toutefois que votre pensée continue de circuler, que votre corps reste engagé, que votre intention d’atteindre l’autre soit toujours maintenue.
Sans regard, ou accompagné d’un regard imprécis, flou, trop intermittent, vous perdez votre principal atout, qui est de créer du lien. En anglais on parle justement d’« eye contact », ce qui signifie bien qu’il s’agit de contacter l’autre – d’aller ainsi à son contact. Sapiens Sapiens s’est certes cassé la nénette à inventer le langage, mais n’oubliez pas que nous sommes plus sensibles à ce que nous voyons qu’à ce que nous entendons. Vous aurez beau dire le vrai et le juste, si la qualité de la relation que vous établissez avec l’autre n’est pas satisfaisante, il n’en gardera pas grand-chose.
Le fil du regard, primordial sur ce plan, donne forme au discours en vous permettant d’en assurer et maîtriser la transmission. A l’occasion de ses vœux aux Français, le Président de la République fixerait ses chaussures plutôt que l’œil de la caméra, vous sentiriez-vous concerné ? Quelle image ce défaut de mise au point vous donnerait-il de l’homme et de sa mission ? Vous et le Président êtes homologues au moins sur ce point. Si vos yeux prennent la direction de la moquette au moment où vous tentez de faire valoir vos résultats de l’année, votre image et votre parole s’effritent.
Mais votre regard vous permet également d’obtenir un « retour son », en vous ouvrant aux réactions d’autrui. Réaction qui sont de formidables indicateurs pour savoir si vous prenez la bonne voie d’accès à sa compréhension, à son adhésion. Il est essentiel de voir des sourcils qui se froncent, par exemple, car ils vous suggèrent que vous avez à préciser ou argumenter plus avant. Au lieu de l’interpréter comme un signe en votre défaveur, remerciez plutôt l’expressivité de votre vis-à-vis qui vous indique par là l’endroit à consolider. Moue perplexe, front plissé… sont des amis, qu’on n’a pas envie d’inviter tous les jours à sa table, d’accord, mais qui sont la réalité avec laquelle vous devez composer pour communiquer d’une façon adaptée au présent de l’échange. Et le signe favorable existe aussi ! Il serait dommage de passer à côté d’un sourire de M. Terrible parce que vous regardez seulement votre collègue M. Gracieux.
Ainsi le regard, parce qu’il suscite la confiance de l’autre et renforce la nôtre à mesure, parce qu’il est la condition pour recueillir du feedback non verbal, parce qu’il permet d’ouvrir et de s’ouvrir à des échanges plus paritaires, est le levier éminemment vertueux et efficace de votre communication. Alors continuez d’ouvrir l’œil. Et pourquoi pas, les deux ?!