L’art du dialogue en visio. 3 tips pour faire passer son message à distance. Par Guillaume Demuth.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? », « Je t’ai écouté jusqu’au bout, mais so what ? », « Tu me donnes trop de détails », « Tu veux qu’on discute ou tu veux juste que je valide ce que tu penses ? ».

Des mois de télétravail, des centaines de réunions distancielles et la découverte de notre dépendance aux applications et réseaux capricieux nous ont formé à la dure. En présentiel, nous bénéficiions d’à-côtés (pauses café, discussions dans les couloirs, déjeuners) pour délayer ou développer l’information à transmettre. A distance, nous avons basculé dans le temps-d’utilité-maximale de la réunion, et nous importons ces nouveaux réflexes du télétravail dans la sphère professionnelle « présentielle ». Le message que nous apportons doit désormais être mieux calibré, immédiatement impactant, instantanément utile.

Le dialogue (étymologiquement “la parole qui traverse”) suppose que le message dont vous êtes porteur soit construit pour traverser les divergences de points de vue, connaissances et intérêts de nos interlocuteurs.

Voici trois conseils pour atteindre cette efficacité :

1. Avoir un objectif clair : lorsque nous sommes obnubilés par le résultat que nous voulons obtenir d’une réunion, tout ce qui ne va pas dans ce sens nous paraît contraignant, insupportable voire suspect. Nous oublions alors qu’une réunion n’est pas faite pour obtenir un résultat, mais pour assembler des forces de travail, de pensée, de points de vue ou d’intérêts. Le résultat qui en ressort n’est qu’une conséquence de la qualité de cette rencontre. Pour se préparer efficacement à une réunion ou un dialogue en général, mieux vaut se concentrer sur les moyens d’obtenir un résultat que sur le résultat lui-même. Les moyens adaptés aux réunions entre humains s’appellent « mode de communication » (sur ça vous pouvez agir, pas sur le résultat). Concrètement, prenez une feuille et inscrivez en premier ce que vos interlocuteurs attendent de vous dans cette situation (et soyez lucides, prenez leur point de vue, pas le vôtre !). Puis inscrivez à côté ce que vous souhaitez obtenir d’eux. Souvent ces deux attentes (VOUS/EUX) divergent, s’opposent ou s’affrontent. Vous pouvez donc vous poser enfin la bonne question : « Comment dois-je communiquer pour répondre à leurs attentes afin qu’ils me donnent ce que je veux obtenir d’eux ? ». La réponse indique comment vous allez parler tout au long de l’échange. Si vous ne déviez pas de l’objectif vous répondrez ou stimulerez les attentes de vos interlocuteurs et serez donc en position d’obtenir ce que vous souhaitez d’eux.

2. Accepter de faire court, précis et concis : pour peu que vous maîtrisiez bien votre sujet ou que vous en ayez une grande expérience, la disproportion est immense entre ce que vous avez le temps de placer dans la conversation et ce que vous savez. Il y a donc un deuil à faire : celui du monceau de détails passionnants en eux-mêmes mais inutiles à vos interlocuteurs. Ça peut se révéler très frustrant ! Pour qu’un message soit efficace, il ne doit contenir que le niveau de détail qui est nécessaire à qui vous écoute. Donc pour que votre message soit entendu, écouté et utilisé il faut faire court (si ce que vous avez dit ne suffit pas, on vous demandera de développer et on sera ravi de vous entendre), précis (donnez le niveau et le type détail qui intéressent votre interlocuteur) et concis (chaque phrase exprime une seule idée pour entraîner un retour verbal ou non verbal de l’interlocuteur qui signifie qu’il la valide ou la conteste).

3. Opter pour l’argumentation progressive : au quotidien, nos discours savamment préparés sont interrompus au bout de 20 secondes et ce que nous avions prévu vole en éclat. Comme quoi une réunion a peu du train qui file sur des rails et beaucoup du voilier qui navigue au milieu de vagues et de vents parfois contraires. Dans ces conditions, argumenter est une tâche partagée : il ne peut y avoir toute la conviction d’un côté de la salle et tout l’acquiescement de l’autre. La finalité d’une réunion est qu’ensemble on aboutisse à une solution ou action qu’aucune des parties n’aurait état capable de construire seule. Ces solutions ou actions se construisent de manière progressive, par tour de parole : itération, objection, reformulation, questions, réponses, relances, ralentissements. La qualité d’une argumentation préparée, aussi savante soit-elle, ne sera jamais aussi efficace que celle qui s’improvise et se bâtit dans l’échange (justement parce que chacun y participe et donc peut l’assumer). Lorsque vous vous préparez, résumez l’ensemble de vos arguments à trois idées claires à énoncer, faciles à articuler et simples à retenir. Ensuite, plongez-vous dans l’échange qui les façonnera et les rattachera progressivement aux arguments des autres, pour en faire des arguments partagés, enrichis, utiles à chacun.

 

Pour résumer on pourrait se contenter de suivre un précepte : votre message est efficace dès lors qu’il est construit pour (voire même à partir) un interlocuteur ou d’une situation en particulier. Car dialoguer c’est traverser la distance qui sépare un cerveau et un autre, une culture et une autre, un intérêt et un autre. C’est donc intégrer l’autre avant même de le rencontrer : en ayant un objectif clair quant à la manière de communiquer avec lui, en se préparant à faire court, concis et précis pour faciliter l’échange, en anticipant que l’argumentation se fera en parlant avec lui de manière progressive.

Et la prochaine fois nous parlerons de l’agilité tactique qui permet de jongler avec les imprévus du direct !

 

Guillaume Demuth